Un avion de ligne consomme-t-il plus qu'une voiture ?
Qui n'a jamais entendu dire que le transport aérien était un très gros pollueur ? Après tout, il faudrait être bien naïf pour penser que l'on peut transporter des centaines de passagers à très grande vitesse et sur de longues distances sans devoir dépenser la moindre goutte d'énergie, ou plutôt de kérosène, le carburant utilisé par les avions.
Néanmoins, peu de personnes sont en mesure de quantifier la consommation d'un avion de ligne, finalement assez énigmatique pour beaucoup d'entre nous.
Dans le monde de la mobilité, on ne présente plus la voiture individuelle, et c'est justement parce que une majorité d'entre nous sommes familiers avec ce moyen de transport que nous allons nous atteler à comparer la consommation, facile à apprhénder, d'une voiture, avec celle d'un avion.
Quelle est la consommation d'une voiture ?
Il est évident qu'il existe une grande diversité de voitures, et que toutes n'affichent pas la même consommation: En général, un véhicule diesel consommera moins de carburant qu'un véhicule essence (et rejettera donc moins de CO2). Plus le véhicule sera lourd (SUV, pick-up...), plus il aura tendance à consommer. Cet article donne les valeurs de consommation moyenne des véhicules en circulation en France en 2017. Les données sont pour un cycle mixte:
- Essence: 7,31 l/100 km
- Diesel: 6,07 l/100 km
L'article précise en outre qu'en 2017, 4% des véhicules vendus en France étaient hybrides et 1% électriques, ce qui reste relativement faible même si on peut évidemment s'attendre à une augmentation dans les années qui viennent.
Que consomme un avion de ligne ?
La consommation d'un avion de ligne dépend d'un grand nombre de facteurs. Comme pour la voiture, le modèle de l'avion a son importance: en général, plus un avion est récent, plus il bénéficie de technologies réduisant ses émissions. D'autres paramètres interviennent, comme la masse de l'avion (plus il est lourd plus il consomme), la phase du vol (la consommation sera plus importante en montée qu'en descente), l'altitude du vol (il existe une altitude optimale), etc...
Un Boeing 737-800, tel que ceux qu'utilisent des compagnies comme Transavia ou Ryanair, consomme en moyenne 2400 kg de kérosène par heure de vol.
Ce type d'avion vole couramment à des vitesses de l'ordre de mach 0.77 (77% de la vitesse du son), soit une vitesse sol d'un peu plus de 800 km/h lorsque l'avion atteint son altitude de croisière.
Le kérosène (Jet-A1) ayant une densité de 0,804 kg/l, un Boeing 737-800 consomme ainsi 2985 litres de carburant pour parcourir 800 km.
Ces avions peuvent transporter jusqu'à 189 passagers. Ryanair annonçait en 2019 des taux de remplissages moyens de 96%, c'est-à-dire que chaque vol transportait en moyenne 181 passagers.
Que donne la comparaison avion / voiture ?
On a vu qu'un Boieng 737-800 parcourt typiquement 800 km en consommant 2985 litres de carburant. En ramenant la consommation à un trajet de 100 km, l'avion consomme ainsi 373 l/100 km.
S'agissant d'un moyen de transport en commun, avec 181 passagers, chaque occupant consomme au final 2,06 l/100 km.
Pour rappel, une voiture diesel consomme en moyenne 6,07 l/100 km. Ainsi, il faut au minimum 3 personnes dans un véhicule diesel pour espérer consommer moins de carburant que la même distance parcourrue en avion.
Pour un véhicule essence, la consommation étant en moyenne de 7,31 l/100 km, il faut un minimum de 4 personnes dans la voiture pour être plus économe que l'avion.
Ainsi, sauf à voyager en famille ou à pratiquer le covoiturage, on constate que l'avion consomme souvent moins de carburant qu'une voiture dès que celle-ci comporte moins de 3 ou 4 occupants.
Ce résultat n'est évidemment valable que si l'avion transporte suffisamment de passagers. Il n'est pas souhaitable de faire voler des avions trop peu remplis, car dans ce cas la consommation par passager est accrue: c'est la raison pour laquelle il existe des avions de toutes tailles, pour pouvoir s'adapter à la demande.
Au-delà de la consommation par passager que nous venons d'étudier, les chiffres du parlement européen montrent qu'en Europe, 72% des émissions de C02 liées au secteur des transports proviennent de la route (contre 13,4% pour l'aviation civile), les voitures étant elles-mêmes le plus gros contributeur de leur catégorie, puisqu'elles sont responsables de 60,7% des émissions du transport routier. Autres chiffres intéressants, et à l'échelle de la planète cette fois-ci, on dénombrait plus de 1,2 milliard de véhicules routiers en circulation en 2015. En 2017, 25 000 avions de ligne étaient en service : on dénombre ainsi 48 000 fois moins d'avions que de véhicules routiers dans le monde.
Notons finalement que les dernières générations d'avions (tel que le Boeing 737 Max ou l'Airbus A320neo) permettent de réduire davantage la consommation du transport aérien par rapport aux appareils plus anciens, voués à être remplacés. Le 737 Max 200 permet par exemple à Ryanair une réduction de 16% de la consommation de carburant par appareil, le tout en transportant 4% de passagers en plus (197 sièges au lieu de 189 pour un Boeing 737-800 de la génération précédente). Pour sa rivale easyJet, l'introduction de l'A320neo permet une baisse de consommation de 15%. Malheureusement, par effet de mode dans l'automobile, les SUV ont le vent en poupe et ne permettent pas de réduire drastiquement la consommation des véhicules.
Si il est indéniable que tout vol en avion consomme du carburant, et que les efforts entrepris pour réduire la consommation des appareils doivent être poursuivis, nous venons de voir que la consommation d'une voiture individuelle est loin d'être anecdotique - elle est parfois plus élevée que celle du même trajet effectué en avion, et ce en désaccord avec de nombreuses idées reçues.